Tim Izzo @5ika.ch

11.06.23

ChatGPT et enseignement

En parallèle de mon activité à Octree, j’assure le rôle de chargé de cours à CREA depuis 6 ans et j’ai sporadiquement l’occasion de donner des masterclasses au sein de la formation digitale chez Réalise.

Récemment, on m’a plusieurs fois demandé mon avis sur l’utilisation de ChatGPT et autres LLM dans le cadre de l’enseignement. C’est une question qui demande réflexion et je profite d’avoir un blog pour détailler ma pensée (je précise que j’enseigne dans l’informatique et que ma réflexion se place dans ce contexte).

Tout d’abord, je ne pense pas qu’il soit pertinent d’être pour ou d’être contre l’utilisation des “IA”. Qu’on le veuille ou non, elles vont être de plus en plus présentes dans nos vies. Reste à définir comment et pourquoi.

Comme pour Internet et le Web, il est important de garder à l’esprit que l’IA est un outil pour les humains. Comme tout outil, sa raison d’être est de nous donner plus de force et de possibilités, pas nous aliéner ou nous remplacer. Ici, quand je parle de “nous” je veux parler de l’Humanité dans son ensemble. À une autre échelle, il est évident que l’IA va remplacer l’être humain pour certaines tâches / métiers (de mon avis, cela ne touchera que les bullshit jobs car pourquoi vouloir remplacer un job qui fait du sens à un ou plusieurs humains et qui leur permet de s’accomplir ?).

Ainsi, plutôt que se positionner sur le fait d’utiliser ou non les LLM, ce qui deviendra une chose courante pour tout.e.s, il est nécessaire de se demander comment utiliser sainement ces nouvelles technologies. En tant que développeur, j’utilise occasionnellement ChatGPT pour générer des bouts de code pas très compliqués mais longs à faire. Cela me permet de garder du temps pour des tâches plus créatives. L’utilisation fait sens car je maîtrise les compétences inhérentes à mon métier et je profite de la force de l’outil pour m’assister dans mon travail afin d’être plus efficace. Parfois j’apprends même des choses lorsqu’il me renvoie des manières de faire dont je n’avais pas pensé. Avant tout, je suis capable de faire mon métier sans l’IA.

Dans le cadre de l’enseignement, c’est différent. C’est par sa formation que l’étudiant.e apprend son métier futur et acquiert ses compétences principales. Si il ou elle utilise ChatGPT (ou autre) pour trouver la solution à tout problème, en examen ou pour tout exercice posé, alors il ou elle sera toujours dépendant.e de l’outil. À quoi bon faire passer des examens et évaluer les compétences si c’est ChatGPT qui y répond ?

La formation, notamment dans le domaine technique, doit permettre la création d’un esprit critique, de savoir faire la part des choses entre ce qui est juste et ce qui est faux. Entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Encore une fois, si l’étudiant.e délègue toute réflexion dans le cadre de son apprentissage aux LLM, comment il ou elle sera capable de remettre en cause ce que lui répond la machine ?

Cette problématique prend encore plus d’ampleur avec les IA publiquement accessibles aujourd’hui: ces outils sont développés par des entreprises à but lucratif, notamment ChatGPT qui est fourni par OpenAI dont Microsoft est investisseur majoritaire. OpenAI a totalement la main sur le LLM et sur les réponses qu’il renvoie. Ainsi, si un étudiant repose sa formation sur l’utilisation de ChatGPT, ses acquis et ses compétences seront guidés par les désirs de l’entreprise qui le détient.

Alors comment faire ? Est-ce qu’il faut faire l’impasse sur l’IA et toutes ses nouvelles possibilités ? Faut-il interdire tout simplement ChatGPT à l’école ?

De mon avis non. Il serait bête d’ignorer que l’IA est en train de changer nos métiers. En interdisant, on ne prépare pas les étudiants à la vie professionnelle future. Néanmoins, on peut leur apprendre à utiliser les LLM pour “faire avec” plutôt que “faire à la place”.

J’ai posé la question sur Mastodon pour avoir des éléments de réflexion sur le sujet et j’ai eu une réponse intéressante: Autoriser l’utilisation de ChatGPT, mais ceux qui veulent s’en servir ont des questions supplémentaires aux tests et examens où ils reçoivent du code produit par un LLM ou un humain (ils ne savent pas) et doivent déterminer s’il fait bien ce qu’il doit dans tous les cas. Ça va soit faire retomber le hype, soit les former top notch. [Ölbaum]

Je trouve que c’est une très bonne solution pour développer l’esprit critique et qui va dans le sens d’une utilisation saine. Plus généralement, ce commentaire me fait réaliser qu’il faut également revoir la manière dont on forme et on évalue.

Le contexte de la formation est une bonne occasion pour informer les futurs utilisateurs/trices, leur apprendre à utiliser correctement l’IA et mettre en avant des outils informatiques ouverts et sains.

N’étant pas enseignant de profession mais simple chargé de cours, je n’ai pas forcément les clés pour mettre en place de nouvelles méthodes plus adaptées à l’évolution des métiers. Je vais néanmoins tenter d’intégrer un peu mieux l’IA dans mes cours en apprenant à mes étudiants à faire la part des choses.



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